Face à l’avènement du Web3, la question de la régulation des nouveaux services numériques est fondamentale. Comment appréhender le Web3 par le droit commun ? Faut-il créer un droit du métavers ?

Dans cet article, nos avocats en droit du numérique décryptent les questions liées à la protection de la vie privée des utilisateurs du Web3 et à la protection des droits de propriété intellectuelle, deux sujets au cœur des enjeux juridiques du Web3.

Retrouvez également les principales notions-clés utilisées dans l’écosystème du Web3 en consultant notre article dédié.

Web3 et droit de la protection des données à caractère personnel

Prenons un exemple concret pour illustrer cette problématique. Utiliser un avatar dans le métavers, univers virtuel 3D de plus en plus répandu avec l’avènement du Web3, permet de capter une masse de données sans précédent (données biométriques, relatives aux émotions, aux mouvements du corps…). Ce sont autant de nouveaux traitements à risques qui pourraient ainsi voir le jour.

Le statut de ces nouvelles données

Comment définir ces nouvelles données émergentes avec l’apparition du Web3 ? Il est possible de trouver un rattachement naturel :

Aux données biométriques

Elles englobent les données relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique.

⚠️ A noter : Les données ne peuvent être qualifiées de biométriques que si elles permettent l’identification unique de la personne, comme par exemple l’eye tracking, qui désigne les techniques d’étude du regard ou du comportement oculaire.

Aux données de santé

Les données de santé révèlent des informations sur l’état de santé physique ou mentale de la personne. Il peut s’agir de l’état de fatigue, de stress, d’essoufflement ou encore du rythme cardiaque.

Aux données sensibles (autres que les données biométriques et de santé)

Il peut s’avérer possible, via la création d’un avatar par un utilisateur, d’identifier son origine raciale, ses convictions religieuses, ou encore son orientation sexuelle.

💡 Bon à savoir : L’état d’esprit d’une personne, son état affectif ou ses émotions (souvent regroupées sous le terme de « données mentales » ou « comportementales ») ne figurent actuellement pas dans la liste des données dites sensibles.

Dans ce cadre, doit-on :

  • Créer une catégorie particulière de données ?
  • Ou, comme le préconise plusieurs chercheurs, considérer ces situations comme des « traitements sensibles » ?

En tout état de cause, il convient de recueillir un consentement éclairé de la personne en cas de collecte de ses données sensibles.

Le consentement de la personne concernée et l'exercice de ses droits

La collecte de données sensibles est par principe prohibée sauf exceptions, notamment par le biais du recueil du consentement. La seule accessibilité aux données ne suffit pas à légitimer leur traitement, dès lors que l’utilisateur n’a pas consenti à la finalité prévue par le responsable de traitement (délibération SAN-2022-019 du 17 octobre 2022 de la CNIL).

Dans un univers disruptif comme le Web3, la question de la validité du consentement se pose : comment savoir de quelle façon l’utilisateur va faire évoluer son avatar ? Comment va-t-il orienter/pousser son expérience dans le métavers ? Comment lui transmettre les informations obligatoires afin qu’il consente en connaissance de cause ?

Les utilisateurs pourraient aussi se trouver en difficulté quant à la possibilité de faire valoir leurs droits (et notamment de retirer leur consentement). En effet, certaines technologies du Web3, comme la blockchain, enregistrent les données de manière définitive et non modifiable.

👉 Pour en savoir plus sur la technologie de la blockchain, consultez notre article dédié à l’environnement lexical du Web3.

Il est essentiel de s’interroger au cas par cas sur le process à mettre en place pour sécuriser les données et respecter la règlementation applicable malgré les limites que l’on peut rencontrer dans l’univers du métavers.

Outre les enjeux en termes de données personnelles, les enjeux de propriété intellectuelle sont importants pour protéger ses actifs dans le Web3.

La protection des actifs de propriété intellectuelle

Protéger ses marques

Il est vivement recommandé à une entreprise qui souhaite être active dans le métavers de procéder à un dépôt de marque adapté à l’activité projetée dans le Web3. Ainsi, le libellé des produits et services qu’elle souhaite protéger doit être réfléchi et soigneusement rédigé. En effet, une fois la marque déposée, il ne sera plus possible de modifier ce libellé.

Cet exercice n’est pas simple en pratique. L’Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) est venue préciser que les produits virtuels, entendus comme des articles non physiques achetés et utilisés dans des communautés virtuelles ou des jeux en ligne, relevaient de la classe 9. Les produits virtuels sont donc assimilés à des contenus ou images numériques. L’EUIPO ajoute que le libellé doit être précis (exemple : « produits virtuels téléchargeables, à savoir, vêtements virtuels »).

D’autres classes sont à prendre en compte :

  • La classe 35 : mise à disposition d'espaces de vente en ligne pour les acheteurs et vendeurs de fichiers d'images numériques téléchargeables authentifiés par des jetons non fongibles…
  • La classe 41 : services de divertissement fournis dans des environnements virtuels…

En outre, la marque est protégée pour le territoire sur lequel elle est enregistrée. Le Web3 n’ayant pas de frontière géographique, la question d’une protection dissociée de tout territoire se pose.

A date, il n’y pas d’autorité compétente pour un dépôt dans le métavers. La question demeure donc ouverte. Il peut parfois être opportun d’envisager un dépôt auprès de plusieurs offices et notamment aux Etats-Unis (lieu où se trouve la plupart des plateformes du métavers). Le contenu des contrats de licence de marque doit également être adapté au Web3.

⚠️ A noter : La protection des dessins et modèles est également un enjeu, notamment quant à la question de la définition d’un produit dans le métavers. La nouvelle classification de Locarno inclut désormais « les interfaces utilisateurs graphiques de réalité augmentée [pour affichage sur écran] ». Les contours de la protection des D&M dans le métavers reste néanmoins toujours à préciser.

Protéger ses droits d'auteurs

La plupart du temps, les conditions d’utilisation des plateformes dégagent ces dernières de toute responsabilité en cas de violation des droits de propriété intellectuelle des œuvres vendues.

En conséquence, le contenu du contrat de cession entre l’acheteur et le vendeur doit être rédigé avec soin et prévoir a minima :

  • Pour le vendeur : une clause de cession détaillée, sa rémunération en tant que créateur et le droit de suite.
  • Pour l’acheteur : les garanties sur les droits de propriété intellectuelle de l’œuvre vendue.

Plus largement, la question des utilisations futures de l’œuvre et de sa représentation dans le Web3 va être centrale.

Enregistrer des noms de domaine Web3

Le Web3 offrant la possibilité d’enregistrer de nouveaux noms de domaine appelés « nom de domaine Web3 », les entreprises doivent, comme pour les noms de domaine classiques, anticiper et enregistrer les noms de domaines les intéressant avant que d’autres ne le fassent avant elles.

 

En conclusion, si la réglementation entourant le Web3 reste encore à définir sur certains points, les juristes doivent s’emparer du droit existant dans le contexte du Web3 et faire preuve d’innovation dans son application pour sécuriser les projets envisagés par les entreprises au sein du Web3.

Parallèlement, une stratégie de défense doit être mise en place en cas de contrefaçon. Le 3ème volet de notre série d’articles consacrée au Web3 sera l’occasion de revenir sur la célèbre affaire qui a opposé la maison Hermès au créateur Mason Rothschild.

 

Natacha Bialek-Djeghdali, avocat en droit du numérique - Hélène Nicolas, avocat en droit du numérique

 

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